• La genèse

    L’Erika. Tout d’abord…

    … Et ce matin de Noël 1999 où je découvris le petit port d’Etel où je vivais alors noir et souillé ; les maisons, les bateaux maculés du pétrole jeté par la tempête et la surface de l’eau charriant les nappes visqueuses et sombres vomies par le tanker pendant la nuit. Puis, à mes pieds, une boule gluante que je repoussai avec dégoût avant de voir, de comprendre : la boule était un oiseau, elle bougeait, il agonisait.

    Je ne savais pas à ce moment-là que ma vie venait de changer à jamais.

    Je consacrai les semaines, les mois suivants à collecter, acheminer, soigner, laver les oiseaux victimes du navire.

    J’apprenais aussi. Les espèces, leur vie, leurs besoins et leur espace vital ; peau de chagrin.

    Juin 2000. Marée noire au large de l’Afrique du sud. La tristement célèbre Robben Island, après avoir été l’enfer des hommes, était en train de devenir celui des 40 000 manchots du Cap qui y nichaient alors.  26 000 furent touchés.

    Alors ce fut le départ vers Le Cap. Des semaines à soigner, laver des oiseaux, tout recommençait. Je me formais, j’apprenais.

    L’idée germait malgré moi. Quelle idée folle ! J’avais un métier, une entreprise…

    Un centre de soins ! Je n’avais pas les connaissances, elles sont longues à acquérir et j’avais 45 ans.

    Les mois qui suivirent la Bretagne essuya maintes fois les colères de la météo et chaque retour au calme de l’océan démonté laissait abandonnés sur le rivage les oiseaux malmenés par les éléments. Bénévole à Bretagne Vivante j’arpentai les plages, fouillai l’estran à la recherche des survivants que j’envoyai vers les centres de soins.

    Les gens croisés me parlaient, m’interrogeaient. Je répondais, j’expliquais.

    Leur regard avait changé. Sans doute le drame de l’Erika y était-il pour quelque chose, je sentais chez beaucoup une compassion pour ces animaux, un désir de leur venir en aide et ils étaient de plus en plus nombreux ceux qui m’appelaient, me signalaient un oiseau en détresse.

    Décembre 2002. Le Prestige sombra au large de la Galice et sa cargaison se déversa dans le golfe de Gascogne. La clinique mobile créée après l’Erika descendit se positionner dans les Landes et je l’accompagnai. Installation de la structure, mise en route ; soigner, laver les oiseaux, former les bénévoles, régler la chaudière, régler les piscines, vérifier les plumages, réparer le tableau électrique et relâcher les oiseaux. Etre ébéniste, fils de plombier et bricolo professionnel, finalement, c’est bien pour aider les animaux.

    C’est là que nous nous sommes rencontrés, ma compagne et moi-même. Moi, sortant du poste de lavage en ciré vert et elle en cote blanche trop grande.

    La même passion : les animaux. Moi, les soigner, elle, les protéger. Soigner, protéger ces animaux sauvages qui souffrent des conséquences de nos activités, de la perte de leur habitat, de la raréfaction de leur nourriture.

    Soigner et protéger c’est aussi dire, sensibiliser, convaincre. Convaincre que ces espèces sont indissociables de leur milieu, que ce milieu est constitué d’innombrables espèces dépendantes les unes des autres …. Et que nous en dépendons nous-même.

    Et l’idée folle a grandi, elle s’est installée. Puis elle est devenue projet, un projet toujours plus déterminé au fil des formations acquises au cours des années qui suivirent.

     

    Didier Masci,  Responsable capacitaire